12 idées reçues sur les psychologues
S’il est un métier qui se prête aux projections de tout ordre, c’est bien celui de psychologue. Les stéréotypes qui auréolent cette profession témoignent souvent d’une méconnaissance profonde des pratiques et d’une représentation ancrée dans l’imaginaire collectif qui peut entraver la démarche de consultation, voire, par capillarité, susciter une franche irritation à l’égard de ces professionnels. Morceaux choisis.
« Vous les psy… »
Mauvais départ ! Psychiatres, psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes, autant de professions dont la formation, les missions et les champs d’intervention divergent (voir cet article). Outre ces différences fondamentales, il existe des subdivisions au sein de chaque discipline. Par exemple un psychologue peut être formé en psychologie sociale, psychologie du développement, neuropsychologie… Cet article concernera principalement les psychologues cliniciens, c’est-à-dire les psychologues travaillant « au lit du malade » : dans le soin.
« Tu vas m’analyser »
C’est un réflexe fréquent lorsque j’annonce que je suis psychologue. Témoigne-t-il d’une angoisse de divulgation de l’intime? Ou au contraire, d’un désir de se confier et d’être compris ? Tous les psychologues ne sont pas des »analystes ». De plus, les psychanalystes ne se précipitent pas vers la première interprétation qui leur traverse l’esprit lorsqu’ils reçoivent un patient. Ils savent qu’un geste, un mot, un regard, peuvent renvoyer à une pluralité de significations et que c’est cette multitude sémantique en constante évoluions qui initie comme elle nourrit le voyage du patient vers lui-même. L’écoute clinique demande une posture mentale très spécifique, vigilante, concentrée, éminemment prudente et incompatible avec un décodage rapide des attitudes de l’autre.
« On t’a cambriolé, tu as perdu ton boulot et ta copine est partie vivre avec ton frère à Limoges ? Heureusement que tu es psy, tu vas gérer ça »
Les psychologues ne sont pas des super-héros et soutenir les autres ne signifie pas un stoïcisme personnel total face à chaque épreuve de la vie ! L’étayage que nous pouvons mettre en place dans la relation avec un patient est circonscrit au moment passé avec lui, dans un espace temps bien délimité, édifié sur un cadre aux règles strictes. Cette distance concentrée en séance n’implique pas que toutes les catastrophes glissent sur nous comme sur des maîtres zens, que nous ne sommes jamais en colère ou déprimés. Être psychologue clinicien, ce n’est pas cesser d’éprouver mais savoir mettre à profit l’intensité des affects dans la relation à l’autre.
« Tu dois gagner plein de sous »
J’aimerais sûrement mais non. La précarité concerne aujourd’hui un très grand nombre de psychologues.
« Les psys c’est pour les fous »
Qu’est-ce qu’être fou ? J’exerce le métier de psychologue depuis sept ans et je ne connais toujours pas la réponse à cette question. Par ailleurs, on peut entreprendre un travail psychothérapeutique parce qu’un symptôme handicape l’existence, mais on peut également accomplir cette démarche pour apprendre à mieux se connaître soi-même, pour améliorer ses relations aux autres, aborder différemment un problème…
« J’ai rêvé que je volais une armoire normande violette dans une épicerie à Gstaad, ça veut dire quoi? »
On n’analyse jamais un rêve mais le discours construit pour le raconter et rêve est un matériel auquel tous les psychologues ne s’intéressent pas et dont la lecture ne trouve son sens que dans la relation entre le patient et le clinicien.
« Les psys vous vous contentez de dormir et de faire semblant d’écouter »
L’image du vieux psychanalyste qui ronfle en séance nous a fait du tort, c’est certain. Pourtant, si le silence est nécessaire pour qu’un patient puise s’exprimer librement, le clinicien doit être concentré et mémoriser ce qu’il entend, faire des liens associatifs, relancer, guider la parole, l’aider à se préciser: être, certes distant, mais intensément présent et soutenant, bienveillant, actif.
« Il est où ton cabinet? »
Cette question fréquente, presque de l’ordre du réflexe, occulte que les psychologues peuvent travailler dans de nombreuses institutions (hôpital, CMP, prisons, maternité…) et n’exercent pas forcément en libéral. D’ailleurs, la majorité d’entre-nous ne travaille pas seul mais en équipe avec des médecins, éducateurs spécialisés, assistantes sociales…
« Mon papy a des TOC, je fais quoi? »
Un psychologue n’a pas de conseil à donner ce n’est ni un coach ni un prescripteur et encore moins par procuration pour une personne qu’il ne connaît pas. De plus, l’autisme, Alzheimer, les TCA les addictions, la sexualité… Chaque clinicien a ses domaines de compétences spécifiques et ne maîtrise pas tous les champs d’application de la psychopathologie.
« J’ai pas besoin d’un psy, quand j’ai des problèmes j’en parle à mes amis »
Il n’est pas toujours approprié de tout dévoiler à ses amis ou à sa famille et divulguer ce qui blesse ne suffit pas toujours pour se sentir mieux. Le psychologue n’offre pas seulement un espace où la libération de la parole soulage, mais aussi une écoute vivante, la transmission d’éléments de compréhension permettant de lier aux affects douloureux une représentation. D’autres proposent également des techniques concrètes, des méthodes pour apprendre à surmonter le symptôme.
« J’irai voir plus facilement un voyant qu’un psy parce que si je sais ce que l’avenir me réserve je serai rassuré. »
Ah bon ? Tant mieux mais les deux métiers n’ont strictement aucun rapport et il ne faut pas confondre psychoverbiage et psychologie.
« Quand j’étais ado, j’ai vu un psy et je l’ai trop manipulé »
J’ai dû entendre cette phrase où une de ses variantes une centaine de fois. Il n’existe dans l’espace psychothérapeutique que ce que le patient apporte. L’inconfort, l’inquiétude, un fantasme de toute-puissance peuvent conduire à rechercher une forme de contrôle sur le clinicien. Ce dernier se laissera peut-être faire dans une certaine mesure, admettant sans en être dupe que cette posture soulage le patient surtout dans les premiers temps de la thérapie, qu’il apprivoise l’étrangeté de la situation, du thérapeute, la sienne également. Si le statut singulier du psychologue induit toujours une dysmétrie relationnelle avec le patient, l’alliance thérapeutique, nécessaire, devrait permettre de dépasser son souci du contrôle de son thérapeute, de ce qu’il pense, dit ou fait.
Si chaque psychologue crée son identité professionnelle avec son vécu, ses apprentissages et sa formation, ainsi que son expérience clinique, un cadre déontologique stricte régit ses pratiques. Si un jour vous ressentez le besoin de consulter, plutôt que de vous fier aux idées reçues, faites-vous votre propre expérience! Vous pourrez alors contredire par vous-même la dernière idée reçue: celle qui prétend qu’avec les psychologues, on ne fait que pleurer et s’ennuyer !
Article écrit par Samuel Dock (psychologue clinicien et écrivain) le 11/11/2017 pour Huffpost
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